Un volontariat au Vietnam qui démontre les dérives de l’échange de service
Si vous nous suivez régulièrement, vous savez que notre arrivée au Vietnam a été chamboulé par le vol de nos deux ordinateurs. (Pour les autres, vous pouvez rattraper votre retard en lisant l’article D’une grosse perte à Ho Chi Minh aux charmes de Mui Ne).
Par conséquent, arriver dans ce nouveau volontariat était pour nous un nouveau départ. Comme si le Vietnam nous proposait gentiment de tout effacer et de recommencer à zéro.
Un volontariat au Vietnam prometteur ?
Mais, avec le recul je constate que nous n’avons fait que de nous empêtrer doucement et aveuglément dans ses filets…
Petit Resort sur la plage, équipé d’un four solaire.
Volonté de créer un petit potager et des toilettes sèches
Tâche principale : s’occuper des clients
Une annonce alléchante qui nous avait motivé à quitter Mui Né pour redescendre dans le sud, sur l’île de Phu Quoc.
Thuy, la propriétaire des lieux, Vietnamienne et jeune maman, venait tout juste de racheter le terrain déjà aménagé de 10 luxueux bungalows. Elle nous a accueillit avec un anglais approximatif, un ton sec, mais un grand sourire.
Notre nouveau travail ne correspondait en rien à l’annonce sur Help’x. Aucune plage en vue, aucun potager, aucun four solaire et encore moins de notions d’écologie. Thuy avait récemment quitté son petit business sur la plage pour ouvrir un gros complexe de bungalows et son annonce n’était pas encore mise à jour.
Ici, c’était la destruction. On abattait des arbres sans compter pour construire selon les envies loufoques de notre nouvelle hôte. On coupait, on dépeçait et on portait kilo après kilo.
Parfois on laissait pourrir une dizaine d’arbres, coupés bien trop tôt puisque qu’aucune organisation ne permettait de réduire les pertes.
L’objectif était de construire un bar. Enfin ça c’était au début, car les idées semblaient traversées la tête de Thuy sans qu’on arrive à les suivre.
L’endroit était malgré tout très attrayant et la fin de la saison des pluies rajoutait une touche très locale : de grosses averses suivies d’un soleil de plomb.
Malheureusement, pas nettoyée depuis des mois, la piscine nous narguait tout autant que Thuy qui repoussait toujours son nettoyage.
Du travail, du travail et encore du travail !
La saison touristique approchait à grands pas et tout était dans l’urgence. Thuy courrait dans tous les sens et ne cessait de donner des ordres pour changer d’avis dans la soirée. On a monté la charpente du bar à la force de nos bras…
Une belle folie.
Une fois érigé, nous avons commencé un intéressant mais long et fastidieux travail : construire le toit à la manière vietnamienne.
L’idée c’était de positionner deux feuilles de cocotier dans le bon sens et de les clouer très serrés afin d’assurer l’étanchéité du toit. Nous gérions la première partie, tandis que deux employés enchaînaient la deuxième. Deux locaux qui savaient dompter la hauteur, manier le marteau et accumuler les temps de pause mais qui étaient très antipathiques malgré nos essais de conversations.
La fatigue et le peu de temps disponible ne nous permettaient pas d’aller explorer les environs.
Les repas étaient parfois légers, parfois même inexistants. Aucune communication, aucune planification et nous nous retrouvions régulièrement sans aliments. Et paradoxalement, sans prévenir, Thuy se mettait aux fourneaux et nous concoctait de copieux et délicieux repas.
Elle était adorable, avait toujours le sourire mais elle n’avait aucune notion du rôle d’un volontaire et n’en faisait qu’à sa tête. Même son mari anglais ne cherchait plus à la raisonner. Elle attendait autant de nous que de ses employés payés/logés/nourris…
Comment se cacher pour éviter de travailler …
Plus le temps passait, plus on freinait. Nous n’étions pas là pour être moins bien traités que les locaux et encore moins pour prendre leur place gratuitement.
Thuy avait ses têtes et les nôtres lui convenaient. Ayant bossés deux semaines comme des fous, elle se passait de commentaires quand nous nous réfugions dans nos bungalows pour échapper à une énième tâche épuisante.
J’en avais marre de me cacher pour éviter de travailler 8h/jour, marre d’abattre des arbres pour construire sans réflexion et je n’en pouvais plus de cette désorganisation constante.
Nous étions malheureusement en train de renouveler notre visa et nous étions donc bloqués encore plusieurs jours, le temps de récupérer nos passeports…
Entre temps, nous avons assisté, ébahis au saut d’un volontaire hongrois qui a permis d’éviter l’effondrement du restaurant. L’édifice mal conçu sur un sol en pente, s’est écroulé lorsque les renforts ont été retirés.
L’employé responsable de l’incident est venu l’après-midi même, demander sa paye et a refusé de se remettre au travail.
Après quelques altercations, le travail a repris de plus belle comme s’il ne s’était jamais rien passé.
La pluie diminuait chaque jour d’avantage et nous nous octroyions de plus en plus de pauses : direction la plage, la ville et la Bee Farm qui se présentait comme une éventuelle porte de sortie.
En parallèle, le travail a continué : remblayer un trou pendant des heures jusqu’à ce qu’on apprenne qu’ils avaient une pelleteuse à disposition, s’occuper de Tommy (le fils de Thuy) et aider à la construction de leur site Internet.
C’est à cette période que Loy, un nouveau travailleur Vietnamien au sourire constant est venu égayer nos journées. Il s’est entiché de Guillaume et est devenu un très bon ami.
Thuy nous a fait miroité de l’argent, mais nous étions conscients que cela n’était qu’un appât supplémentaire pour garder deux gros bosseurs auprès d’elle. On apprendra bien plus tard qu’elle s’est permise de foutre dehors un de ses volontaires en demandant ouvertement à sa petite amie de rester…
3 semaines se sont écoulés à ce rythme effréné, mais aussitôt nos passeports récupérés, nous sommes partis tenter notre chance ailleurs.
Malgré tout, nous sommes restés en très bon terme avec Thuy et sa famille. Elle nous a d’ailleurs invité à passer gratuitement le jour de l’an au Resort. Elle a un bon fond, mais rester n’aurait fait que valider sa façon inconcevable de considérer ses volontaires.
Même si cette expérience n’est pas mauvaise en soi, elle reflète les dérives des échanges de service et en prenant sur nous, nous avons pu en retirer de bons moments et quelques apprentissages.
Et vous, comment auriez-vous réagi dans une telle situation ?
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- https://www lemondeadeux com/derives-volontariat-vietnam-phu-quoc
Beau récit ! Je n’ai encore jamais travaillé en Woofing, peut-être bientôt. C’est vrai que la situation est délicate ! Mais a partir du moment ou l’annonce est mensongère et ou on vous fait travaillé 8h par jours (bien au dessus de ce qui est généralement pratiqué en woofing, non ?), je pense que votre hôte n’est pas réglo du tout ! Donc pas beaucoup de solution, lui en parler pour « arranger » les choses mais si ca ne fonctionne pas, cela devient plus compliqué. Je pense que vous avez plutôt bien réagit.
Bonjour Mathieu,
Oui 8h est bien au dessus des normes pratiquées dans ce genre de situation. Même s’il nous est arrivé de travailler souvent beaucoup plus avec d’autres hôtes, nous avions toujours un retour qui en valait la peine. Ici ce n’était pas le cas.
Et on a beau lui en avoir parlé plusieurs fois, elle n’entendait rien : donc voilà 🙂
Mais cette expérience ne nous a pas a refroidi des échanges de service. Loin de là ! on a beaucoup appris surtout sur la manière de ce positionner en tant que volontaire.
Salut,
On a fait une 30aine d’HelpX avec ma copine, et à chaque fois que ça allait pas, on partait tout simplement. C’est pas plus compliqué que cela.
Simple, net efficace 🙂 Nous réfléchissons souvent trop effectivement, tout simplement car il y a toujours des avantages et ils n’avaient pas mauvais fond. puis l’attente de notre passeport à décaler notre départ.
Mais je confirme que c’est la meilleure solution !
Hello à vous deux,
Merci pour votre retour d’expérience … pertinent !
Je trouve, que l’on ne montre pas assez les effets négatifs des plate-formes de ce genre…
En tout cas, je pense que ça sert bien de leçon et qu’on en ressort plus fort 🙂
A bientôt
Greg
Merci pour votre article
Greg Articles récents…Nos coups de cœur en Argentine
Effectivement, l’échange de service n’est pas aussi idyllique qu’on veut bien nous le faire croire parfois. Il est important de faire remonter ces expériences.
Mais je pense qu’on a appris à se positionner différemment et à dire non. Ce qui est super important.
La mentalite du business au vietnam c est « faire de l argent, le plus d argent possible, le plus rapidement possible et par tous les moyens, meme illégaux ». C’est win-lose. Vous vous etes bien fait exploites. Une bonne leçon a retenir.
Bon résumé, mais je suis très naïve et j’ai toujours envie de laisser une chance 🙂
On s’est fait exploité car on a accepté aussi. Mais la conclusion c’est que c’était effectivement une belle leçon !
Aucun système n’est parfait et le volontariat ne peux pas échapper à cette règle.
Les différences culturelles, les attentes souvent disproportionnée des volontaires, ou même parfois le sans gêne des volontaires peuvent sûrement transformer une possible belle expérience en enfer.
Cette article est très intéressant car il souligne bien les problèmes possible de ce genre d’expérience, mais vos efforts ont montré aussi que derrière cela il n’y avait pas spécialement une grande méchanceté.
Votre article évite soigneusement tout manichéisme et au vu des débats sur ce genre de sujet c’est très agréable.
Continuez comme ça
Bonjour Guillaume,
Merci pour ce commentaire, je constate effectivement des retours très tranchés, mais j’ai une personnalité plus douce. Pour moi il n’y a jamais un grand méchant, on a aussi une responsabilité dans tout ce qui arrive.
Donc oui, ce genre de dérives se produit, mais ce n’est pas pour autant que je regrette, que je me sens exploitée 🙂 Les hommes sont rarement mauvais !
Au plaisir de te lire encore
Salut vous deux,
Nous avons également eu une expérience de wwoofing « à la limite » avec Morgane. Dès les premiers jours nous effectuons plusieurs journées complètes à désherber le parc ou prendre soin des hectares de vignes qui n’ont rien d’écologique. La chose qui nous a gêné le plus, c’était de prendre la place d’employés rémunérés qui croyez à juste titre, que nous volions leur travail. Nous étions parmi les premiers wwoofers à être accueillis. Nous sommes parvenus à expliquer aux propriétaires les règles et les limites à ne pas dépasser. Après cela, travail et récompenses furent plus équilibrés : meilleur hébergement, temps libre, balade en bateau, repas améliorés. Mais on avait vraiment l’impression d’être dans une gestion d’entreprise. C’est le cadre hylique qui nous a fait rester aussi longtemps, plus de quatre mois tout de même.
Nous avons également eu une mauvaise expérience de CouchSurfing en Polynésie. À notre arrivée (qui fut déjà très compliquée à organisée), la propriétaire n’était plus du tout dans l’esprit CouchSurfing. Elle venait de basculer sur le Wwoofing/HelpX afin de retirer des avantages en nature dans ses échanges.
Nous arrivons donc dans une grande maison où plusieurs wwoofers sont déjà au travail. Difficile dans ces conditions de ne pas travailler à notre tour. Nous avions surtout peur de plus avoir le temps de découvrir l’île, lors de notre court séjour. Au final, nous avons pu faire ce que nous voulions et la propriétaire nous a même beaucoup aidé en nous transportant. Mais le sentiment de malaise ne nous a pas quitté tout au long du séjour.
Globalement nous avons beaucoup apprécié nos divers Wwoofing et CouchSurfing. Ils nous ont permis de formidables rencontres, nous permettant également d’approfondir nos découvertes. C’est réellement une autre manière de voyager mais qui implique beaucoup de temps, de flexibilité et d’adaptabilité. Je pense que nous réitérerons l’expérience.
Merci pour votre retour en tout cas. J’ai une question du coup. Imaginez-vous passer de l’autre coté du miroir en accueillant des voyageurs participatifs chez vous ?
Bonjour Vincent,
Merci pour le temps que tu as passé pour partager tes expériences très intéressantes.
Même si votre aventure a mal commencé, c’est beau de voir que le dialogue est possible et qu’il permet d’améliorer les choses. Surtout si c’était une première expérience ça aidera probablement les prochains volontaires. Comme quoi tout n’es pas toujours noir ou blanc et si vous y êtes restés malgré tout 4 mois, c’est qu’il devait y avoir des choses positives aussi.
Même si les échanges sont dans l’ensemble très positifs, il est important de faire remonter les dérives pour sensibiliser les futurs volontaires et surtout nous positionner en tant que tel. Prendre le travail de personnes rémunéré est toujours une limite que nous cherchons à ne pas dépasser.
Pour répondre à ta question : pour nous c’est une évidence que nous accueillerons à notre tour dès que nous en aurons la possibilité. Nous sommes déjà actifs sur le site Couchsurfing qui est une première étape avant d’avoir notre propre lieu de culture et des volontaires pour nous accompagner dans ces démarches. (j’ai hâte !)
Cher auteur de l’article,
Je tenais à vous féliciter pour cet article très intéressant sur les dérives du volontariat à Phu Quoc au Vietnam. Vous avez parfaitement su mettre en avant les enjeux liés à cette pratique et les conséquences négatives qu’elle peut causer. Votre analyse est pertinente et bien argumentée, ce qui rend la lecture très agréable.
En tant que passionné de voyages, j’ai été particulièrement touché par votre article. Il est important de prendre conscience de ces problèmes pour agir en conséquence et éviter les dérives. Je serais ravi de discuter avec vous davantage à ce sujet et d’échanger nos points de vue. Encore bravo pour votre travail !
Bien cordialement,